mercredi 29 septembre 2010

29 septembre 2010 - New York vol.18

Oh j'avais écris un pamphlet enflammé sur le tourisme et la tête qu'on a tous et comment réussir à se définir en tant que “voyageur’ plutôt qu'en tant que "touriste”, et pourquoi vraiment, l'un est vain et l'autre enrichissant… Mais un mauvais jeu de clavier a tout effacé. Alors puisque j'ai mis toute ma verve dans un couplet que vous n'entendrez pas, j'en choisis un autre, plus posément, plus pragmatique, avec quand même dans l'idée que perdre des mots est quelque chose de très grave, de foutrement grave même, et que des assurances devraient nous rembourser les mots perdus… C'est un minimum.





Mais je parlerai donc d'un tout petit passage de ma journée, et me connaissant un peu (je vis avec moi-même depuis si longtemps que je ne compte même plus les années), un petit élément bénin peut prendre les dimensions d'une planète, pour peu que mon âme soit d'humeur à l'emphase, et elle l'est souvent.


Bref, petite fille modèle me voilà à mon cours d'Adaptation de Roman. Nous devons y choisir un roman (ce qui est fait), et trouver les coordonnées de celui qui en a les droits, l'idée au final étant -peut-être- d'écrire un scénario qui sera finalement exploitable (ce qui a déjà été fait), ou exploité (ce qui n'a jamais été fait). Et j'allais à ce cours rougissant un peu car j'avais découvert que l'homme qui a acheté les droits du roman que j'ai choisi (Indignation, de Philip Roth), répond au nom de Scott Rudin. Pour beaucoup d'entre vous, cela n'éveillera pas un grand émoi. Ça a pourtant éveillé en moi un rire grotesque. Peut-être que si je précise qu'il est le producteur de E.T., du Truman Show, la famille Adams, Sleepy Hollow, The Village, South Park, la Vie Aquatique, Closer… sans doute que ça éveille en vous quelque chose. Donc je savais que l'homme qui avait les droits de mon roman est l'un des plus riches producteurs de cinéma de la planète (et qu'il habite au bas de mon avenue). Alors bien sûr je m'attendais à la réaction exacte qu'a eu mon professeur, c'est à dire un début d'étouffement suivi d'un rire profond. Et malgré tout j'avais beau m'y attendre, j'étais un peu vexée. C'est donc d'un geste sentencieux de la main qu'il a fini par me dire “mouais, contacte-le, juste pour apprendre comment on fait”.


J'ai rangé mes yeux dans mon bouquin et les y ai laissés pour l'heure qui a suivi. A la fin de l'heure, un avocat new-yorkais spécialisé dans la question de l'entertainment (le divertissement et la culture, car aux Etats-Unis les deux ne font qu'un) est venu répondre à nos questions. Ce n'était pas un cours sur la question du droit en général, et j'ai remarqué que la “théorie” des choses intéresse peu les gens ici : chacun disait où il en était de ses recherches et de ses difficultés à contacter le producteur, l'agent, la maison d'édition ou qui que ce soit qui ait les droits en main à l'heure ou nous parlions. Quand nous en sommes arrivés à moi, je m'étais doublement armée cette fois contre l'ironie qui allait forcément émaner de ce bonhomme aussi charismatique qu'un De Niro en costard, et après deux trois circonvolutions et pirouettes, je me suis décidée à dégoupiller la grenade : “Scott Rudin”. Il a très doucement répété le nom “Scott Rudin”, pour bien marquer qu'il savait de qui il s'agissait, mais en posant chaque lettre de façon à prouver à tous, en particulier mon professeur (que j'aime beaucoup mais qui semblait à cet instant un petit chien attendant l'éclat de rire), qu'il n'y voyait pas d'ironie. Il a encore répété le nom et en me regardant droit dans les yeux il m'a dit “Eh bien, appelle- le, il sera sans doute très intéressé” et puis après quelques secondes “s'il n'a personne qui travaille sur le projet il te donnera peut-être l'occasion de travailler sur la chose pendant un ou deux ans”. J'étais tellement surprise que mon stylo à la main je n'ai pas trouvé mieux à faire que d'écrire “call him” (appelle-le) à côté du nom de Scott Rudin, comme si c'était un devoir à la maison que j'aurais pu oublier de faire pour la semaine prochaine. Mon professeur a enfin retrouvé sa contenance pour clore le débat sur un très sincère “eh bien ce n'est certainement pas la réponse à laquelle je m'attendais, mais j'en suis très heureux”.


Et j'ai réalisé qu'en effet, ça ne ferait pas de mal, un peu de rêve. Penser appeler un gros producteur à cigare et lui dire “je veux faire ça avec vous”, et repasser la scène un million de fois dans sa tête sans savoir rien, et puis le faire. Il y aura peut-être un article dans ce blog sur “comment Scott Rudin






m'a dit non” ou “comment je n'ai jamais réussi à avoir une réponse de Scott Rudin”, mais je suis tellement excitée ne serait-ce que d'essayer ! Peut-être que le rêve américain a sa propre tournure au fond de chacun de nous. Et peut-être que ce que j'ai aimé de la part de ce monsieur si imposant, c'est que malgré sa stature il m'autorise à rêver.


Et au fait, sur internet vous pourrez voir que Scott Rudin a été élu cette année l'un des “dix pires employeurs du monde”. Paniquée, moi ? Pas du tout.







29 septembre 2010 - New York vol.17

… Et puis aujourd'hui en me baladant -je me balade beaucoup- je me suis dit que peut-être que quelqu'un pourrait lire ces dizaines de petites sensations en bouquet pas fermé, ce blog, et à la fin de la lecture refermer le livre bleu (ou, de votre point de vue orange) et dire “c'est à croire qu'elle n'aime pas New York !”
Ce serait possible. Et cela me rendrait très triste. Pour une seule et unique raison : j'adore New York. J'y adore les gens, la folie des grandeurs, les métissages incompréhensibles, leur faculté incroyable à faire de la vie un jeu (qui frise la plus parfaite naïveté… voire inculture, je l'avoue) ; j'en adore la poésie, et jusqu'à la façon dont la pluie fait briller la ville, de telle sorte que tout se reflète dans tout. J'y vois presque parfois la ville qui a construit et détruit des Kerouac, ou des Ginsberg. C'est d'ailleurs sans doute par superstition littéraire que je prévoie de clore mon séjour à New York par un détour d'un mois à San Francisco.
Aujourd'hui il y avait de la poésie dans l'air. La poésie, c'était ces centaines de litres d'eau qui se sont abattus toute la matinée. J'ai enfin compris pourquoi les boutiques new-yorkaises vendent toutes ces bottes en caoutchouc que nous avions étant gamin pour jouer dans les étangs, mais qui paraissaient hors sujet dans la vie citadine… pas à New York. La pluie y est franche, incessante et… volumineuse. Mes chaussures, qui s'étaient révélées à l'épreuve de l'eau en France, n'ont pas résisté vingt minutes au torrent qui m'est tombé dessus. Ma petite casquette noire pesait huit fois son poids initial et me tombait ridiculement sur le front, relâchant sur mes yeux de petites rivières, mon manteau en cuir n'avait pas réussi à empêcher l'eau de rentrer, mais l'empêchait maintenant de sortir, me laissant avec cette impression d'avoir enfilé une combinaison de plongée sur South Park Avenue. Ce qui allait bien sûr de paire avec le poids de ma paire de jean, qui aurait pu à elle seule ré-alimenter la mer, si enfin un courageux parvenait à la boire.
Et, moi-même rendue béate par autant d'eau et ma posture ridicule, j'ai pu voir que les new yorkais sont sous la pluie diluvienne comme ils sont sous le soleil : amusé. Quelqu'un un jour a dû décider que l'américain devait par nécessité être le plus grand, le plus encombrant, et sans doute le plus dangereux des enfants du monde, et chacun de ceux que je croise s'applique à respecter cette règle en se montrant à tout moment émerveillé (mais de façon tout-à-fait non romanesque ni poétique, seulement enfantine) et distrait par tout ce qui l'entoure. Et dieu que la pluie peut être distrayante ! Alors bien sûr j'ai eu droit à deux ou trois couplets de la part d'inconnus qui me regardaient par dessous leurs immenses parapluies pour rire un brin avec moi de nos airs de plongeurs. J'étais à la limite de tenter l'apnée, et l'eau coulait le long de mon nez et de mon menton, pour se frayer un chemin impudique le long de ma nuque jusqu'au bas de mon dos.
Je n'étais pas encore arrivée à mon école que je me suis arrêtée au Starbucks pour reprendre mon souffle. Un café et un muffin plus tard, je reprenais mon chemin sous le torrent incessant, totalement désarmée et infiniment réjouie.
Les réjouissances se sont estompées au fil de la journée puisque j'ai passé 9h30 sans interruption dans mon école, trempée tout le long, les pieds glacés, la climatisation à fond, le manteau si humide que je ne savais plus s'il me protégeait du froid ou s'il en était la cause. Le tout bien sûr sans avoir le temps de manger de toute la journée, sinon que voulez-vous il n'y aurait pas de challenge.
Mon dernier cours le mardi termine à 21h, et après cela la petite allemande (petite est un qualificatif qui me sert uniquement à exprimer mon attachement à l'égard d'une personne, je préfère le préciser parce qu'un jour quelqu'un pourrait dire “les américains et les étrangers aux États-Unis sont petits”, et cela deviendrait un stéréotype récurrent, tout comme “les français portent des T-shirts à rayures”, et ce serait ma faute)… Je disais qu'après cela la petite allemande m'a proposé d'aller boire une bière. Comme elle me l'a proposé en chantant, il m'était bien impossible, malgré le froid, la faim et la fatigue, de résister à l'invitation, et nous voilà achetant des bières et des gobelets à café dans le supermarché du coin, et buvant notre bière comme un chocolat chaud tout en marchant et en parlant de l'Amérique. Car il est interdit de boire de l'alcool dans la rue, ici. Il est même interdit de simplement porter une bouteille d'alcool à la main. D'ailleurs avant que nous n'ayons pu nous arrêter dans un coin sombre pour jouer nos graves délinquantes en versant le contenu de nos bouteilles de bière dans des gobelets de café, je portais la bouteille sous ma veste en cuir. Je lui ai alors fait remarquer que j'avais l'impression de dissimuler une arme sous mon manteau. Ce à quoi elle a répondu, avec le plus grand naturel “c'est ridicule, les armes ici, il n'est pas interdit de les porter dans la rue”. Et le cynisme des lois américaines de me frapper une nouvelle fois…
Nous voici donc dans la rue, je buvais ma bière comme une adolescente fume une cigarette dans les toilettes de son collège, et c'était drôle. Nous avons rejoint en marchant ainsi son petit ami new- yorkais. Elle me l'a plus précisément présenté en personne sous le titre de “mon magnifique petit ami”. Ce qui était vrai je l'admets, mais a tendance à laisser désemparé quelques secondes (dois-je rire ? dois-je acquiescer ? dois-je lui dire que le mien est mieux ?). Et nous avons continué notre chemin vers le cinéma. J'ai appris en chemin de la bouche de son petit ami que “le pire endroit de Harlem, le plus dangereux, se trouve entre la W125ème et la W146ème”… J'habite sur la W135ème. Je me disais, aussi… Et puis comme j'ai aussi appris d'une grosse dame au lavomatique que sur les 5 buildings que comporte mon immeuble j'habitais dans “le plus dangereux” (entendre le plus pauvre), la boucle est bouclée.
Nous sommes allés voir Howl, et quand je suis sortie, au moment de partir, le petit ami de la petite allemande m'a salué d'un “rentre bien, et ne te fais pas agresser” ! Tant pis si c'est la sixième fois en un mois que l'on me dit au revoir de la sorte, ils ne me font pas peur !

Et puis de toute façon, jeudi, je déménage.


dimanche 26 septembre 2010

26 septembre 2010 - vol. 16 ? si on veut.

Oh, mais qu'est-ce donc ?

Hein, c'est quoi cet ennui de tout, cette tristesse sans profondeur, cette fatigue, ce besoin des mots, des mots, toujours des mots pour relever la tête?
Et qu'est-ce que c'est que ces centaines de dialogues que j'ai avec moi-même, avec des gens imaginaires, absents, ou même morts, dans une langue ou dans une autre?
Et c'est quoi ce besoin d'écrire qui n'assouvit rien, ce besoin d'inventer sa propre vie alors qu'on est en train de la vivre?
C'est quoi ces dialogues qui durent toute la nuit avec des êtres virtuels, numériques, de passage sur internet en même temps que moi?
C'est quoi cette lassitude, pourquoi est-ce que je ne suis pas extatique que quelqu'un de mon école de New York m'ait proposé de travailler sur le décor de son film? Pourquoi est-ce qu'au fond je me comporte comme si cette personne s'adressait à une autre qu'à moi?
J'avais bien envie de vous parler des parcs à New York la nuit, de la petite lesbienne du starbucks, de la fumée qui transpire des plaques new yorkaises, des gens qui vous indiquent les mauvais chemins… vous auriez préféré. Peut-être une autre fois mais ce soir en réalité je m'en balance.
Pourquoi est-ce que je m'en balance?
Pourquoi est-ce que la lumière de ma journée, que j'ai eu pourtant bien remplie, a été de travailler plusieurs heures durant sur un roman, enfin déconnectée de ma propre personne?
Pourquoi est-ce que j'ai l'impression en marchant que je pourrais disparaître, en un clin d'œil, en une seule décision? Il suffirait pour ça que j'arrête de parler…
Oui je parle tout le temps, à moi, aux autres, à des crétins et à des fous, j'écris, j'écris, je parle je parle et je ne peux pas me taire, parce que si j'arrête de parler, comprenez : je disparais. Je disparais !
Eh oui, ici la seule preuve de mon existence, pour vous comme pour moi, est dans le fait que je parle puisque vous, vous, vous ne me parlez pas.
Parfois, vous répondez. Vous répondez parce que je parle. Et si je ne parlais pas? Pourquoi c'est moi? Pourquoi c'est moi qui parle, et pourquoi c'est moi qui combat chaque jour le danger de disparaître, de m'évanouir dans le silence?

Pourquoi ! Parce que c'est ça, la solitude.


samedi 25 septembre 2010

25 septembre 2010 - New York vol.15

Je me suis assise au bord de l'Hudson River, comme chaque soir au moment du coucher du soleil. Je vais manger là-bas en regardant le soleil passer derrière les quelques buildings qui ne sont plus Manhattan. Et ce soir j'étais un peu seule, un peu pensive, un peu le regard à l'abandon qu'ont les gens romantiques quand ils n'écrivent pas de poèmes.

A côté de moi un grand homme noir de 35 ou 40 ans amusait sa petite fille pleine d'énergie, et à mes yeux leur manège passait dans un ralenti esthétique. Alors je les observais du coin de l'œil en souriant. Et lui me regardait du coin de l'œil comme pour avoir dans mon regard le témoignage de l'amour qu'il portait à sa fille.

Le manège a duré un petit quart d'heure, nous avons échangé deux phrases de politesses de type “bonjour, joli coucher de soleil” pour justifier nos regards respectifs, après quoi ils se sont préparés à partir. Au passage le père m'a dit “Hey Miss, I think you should have a little ganja” (Hey miss, tu devrais prendre de la beuh). J'aurais pu rentrer dans une longue discussion sur pourquoi diable il pensait que j'aurais envie de beuh, ou pourquoi dans le choix très étendu des conversations possibles il avait choisi celui-ci, mais j'ai préféré suivre la légèreté du moment et simplement répondre “I know” (je sais).

Sa fille avait profité de ce répit pour s'échapper à nouveau, et le père, tout en la regardant escalader une statue plus haute qu'elle (80cm ?) avec un casque d'aventurière vissé sur la tête, s'est penché vers moi et a déposé sur mon plateau repas un petit sachet d'herbe.

En me souhaitant le bonsoir, il s'est échappé avec sa miniature derrière lui.

En repartant, j'ai donné quelques sous à une SDF, et ma journée était faite. Il en faut peu pour donner un sens à une journée, et pourtant c'est un travail… de tous les jours.


vendredi 24 septembre 2010

24 septembre 2010 - New York vol.14

Ce soir, je suis allée voir un concert de Porcupine Tree. Seule. Au Radio City Music Hall, une salle qui a jusqu'ici attiré plus de spectateurs que la population des Etats-Unis… c'est dire.
Il faut savoir que ce groupe est un tout nouvel amour pour moi. J'ai écouté cette chanson dans le train “Arriving somewhere”, et ça a été le coup de foudre. Depuis on se cherche, on se frôle, mais c'est tout nouveau-tout fragile…
Alors je suis allée à ce concert, bien sûr dans une salle exceptionnellement grande et bondée, et j'observais le public avec sans doute un air dubitatif : des couples de 45-50 que j'aurais pensé rencontrer lors un concert de blues partageaient leurs rangées avec de jeunes métalleux, quelques geek, et bien sûr beaucoup de célibataires trentenaires, ils sont quand même les actionnaires principaux de la ville de New York, que diable.


Et le concert à commencé. Le chanteur est venu nous annoncer qu'ils ne joueraient pas de morceaux de leur dernier album, mais qu'ils feraient un voyage dans le temps, en remontant en arrière au fil du concert. J'étais prête pour le voyage.
Les premières chansons étaient toutes en acoustiques. Cinq sur scène, regroupés, en rond, assis, ils nous racontaient cette balade et tout avait l'air d'un poème. Moi qui ne comprends pas la musique, qui ne sais jamais décider en musique de ce que j'aime et n'aime pas, comme si une malédiction m'empêchait de ressentir parfaitement, comme si ma sensibilité était sourde, je me sens sûre et claire et sensible quand il s'agit de littérature. Eh bien je vous assure que ces quelques morceaux étaient pour moi -à l'image de Arriving Somewhere- des textes. Il y a peu de paroles mais je me suis retrouvée plongée dans un univers de mots, une histoire dans celle-ci, un poème dans celle-là, et dans celle-là encore une déclaration. Bien sûr ma solitude avait ouvert ma sensibilité à tout ce qu'elle pouvait recevoir, mais je crois qu'un des plus beaux livres que j'ai lu ces derniers mois ce trouvait au sein de ces quelques chansons.


Ils se sont arrêtés cinq minutes, le leader donnant dans la petite plaisanterie (“nous revenons dans cinq minutes, nous avons besoin de plus d'électricité”). Et nous voici entrés dans l'heure électrique. Du rock un peu fou, un peu énervé, un peu poétique, un peu étrange. Il y avait Lazarus, que j'aime, que j'aime vraiment. Pourquoi ce sont les chansons les plus célèbres du groupe qui me touchent le plus ? C'est un hasard, vraiment, j'ignore leur célébrité quand je me rends compte à quel point elles sont faites pour moi. Alors pourquoi ? Parce que ce sont les plus touchantes, tout simplement. Donc il y avait Lazarus, et puis d'autres, bien d'autres que je découvrais juste, et au milieu beaucoup de choses étranges qui nous emmenaient sur d'autres planètes où les cœurs sont plus gros. Le son des basses et de la batterie résonnaient dans mon estomac et à ce moment-là j'ai commencé à avoir mal au ventre. Légèrement, puis plus fort. Impossible d'arrêter ce battement, à croire que la pédale de la grosse caisse était reliée directement à l'arrière de mon siège. Mais qu'importe, c'est beau alors on oublie, on essaie.


Ils se sont arrêtés dix minutes, chrono en main (c'est-à-dire sur écran géant), avant de commencer des chansons que je qualifierait instinctivement de rock électronique. Et là je ne sais si c'est la douleur, la fatigue, ou réellement la musique, mais je les ai perdu en chemin. Le luttais contre la douleur, et quand elle n'était pas trop forte je luttais tant bien que mal (voire très mal) contre le sommeil. Il y avait de l'originalité, mais plus de poésie, il y avait de la prouesse, mais plus de force. Les gens étaient heureux, et moi je retenais mes paupières de me voiler un tiers d'un spectacle qui avait été magique jusque là. L'écran géant balançait des images et des vecteurs à la cantonade, c'était devenu anarchique. Quand j'ai finalement réussi à convaincre mon esprit de faire fi de mon corps pour un peu d'attention, le concert était fini. Nous nous sommes levés pour demander le rappel, j'aurais presque hurlé de douleur…


…mais ils sont revenus sur scène et il nous a dit “nous n'avons plus de temps que pour une seule
chanson. Une seule. But what a fucking one (mais putain quelle chanson) !” Et ils commencé à jouer “Arriving Somewhere (but not here)”. J'ai oublié ma douleur, ma fatigue, et je les ai remercié de tout mon cœur de terminer ce petit voyage par la plus belle contrée qu'ils aient créé de leur plumes, cordes et baguettes. Cette magnifique contrée qui est quelque part, mais pas ici.


Je suis sortie du concert et mon ventre me disait “marche plus vite, encore plus vite, et assis-toi quoiqu'il t'en coûte”. Alors je me suis assise dans la station de métro à côté d'un beau jeune homme à l'américaine, je me sentais pâle, les dents serrées, peu aimable à vrai dire. Pourtant tout à son portable et sans même me jeter un regard il me demande “comment tu définirais le terme passif- agressif”. Et me voilà en train d'expliquer en américain à un américain un terme américain légèrement complexe dans son paradoxe, tout en prenant le métro et disant à mes boyaux de me lâcher un peu la grappe, ça suffit comme ça. Quand j'ai eu fini, il m'a demandé d'où je venais et m'a dit qu'il avait eu une petite amie française une fois. Est-ce que vraiment on peut draguer quelqu'un en faisant référence d'abord à un terme ayant trait à la violence, puis en parlant de son ex petite amie ? Il semblait le croire. Son visage d'acteur de teen-movie lui donnait une assurance si drôle et sympathique que j'en oubliais presque la douleur. Jusqu'à ce que je découvre qu'il était réellement acteur de teen-movie, et là ma douleur a complètement disparu. Oh si j'avais pu me moquer un peu ! Juste un petit peu. Mais il était adorable, ce garçon, je ne voulais pas heurter son ego… qu'il avait grand, d'ailleurs. On s'est échangé nos adresses facebook (la voie du futur, voyons, le portable c'est dépassé il n'y a plus que les malades et les pervers pour demander un numéro de téléphone) sous prétexte de notre réussite professionnelle commune à venir (il me parlait de ça à une distance qui commençait à ne plus être raisonnable et en me touchant le bras, c'était encore une fois maladroit et amusant), et il a quitté le métro comme un vrai acteur se doit. J'étais déçue cependant, son rôle aurait exigé que sa sortie soit accompagnée d'un clin d'œil. Dommage, j'aime les clins d'œil. Le reste du trajet en métro a mis fin à ma douleur définitivement.



Et puis rien à faire… j'ai vu un bon concert.


jeudi 23 septembre 2010

23 septembre 2010 - New York vol.13

En me baladant sur la 23ème rue j'ai croisé ces trois aveugles qui discutaient ensemble, très fort. Le privilège du simple passant est d'attraper au vol ces éclats de conversation dispersés à tous vents, et celui que j'ai intercepté m'a donné à réfléchir.
L'aveugle disait à l'aveugle : “Tu veux être comme moi, je veux être comme toi, on veut tous les deux être comme l'autre et donc…”. Et je pensais, pour mettre un point à la chose : “donc on n'a pas fini”.
C'est cela. On n'a pas fini. Alors j'ai repensé à ce commentaire : avais-je rencontré ici cette personne que je voudrais secrètement être, et dont faute de mieux j'aimerais être l'amie ? Mais vous le savez d'expérience, on n'en devient jamais l'amie. Malchance, destin, ou quoi qu'il en soit…

Pourtant ici je ne voudrais être personne d'autre. Ce n'est pas possible en réalité. C'est un tout autre continent : les états-uniens ne peuvent pas représenter à mes yeux une meilleure façon d'être moi- même car leur essence, leur façon-même de se définir en tant qu'être humain, est différente. De là leurs qualités, leurs défauts, leurs stéréotype : tout correspond à quelque chose d'essentiellement différent.

Mais aussi, qui voudrait abandonner l'état magique de l’“étranger” en transit, cet état qui vous rend naturellement si singulier sans nécessiter le moindre effort ? Chaque jour nous nous battons pour cette difficile singularité, et la voilà à portée de main. Jusque leur façon de tordre mon nom les confronte à cette différence…
Je conçois que ce qui pour moi est un jeu, une facilité, puisse être une véritable malédiction pour celui qui est là pour rester. Mais je suis là pour partir, quelle folie ! Peut-être que c'est la conscience de cette chance qui me rend populaire chez les autres “étrangers”, cette sensation d'être des particules de couleurs dans un corps en noir et blanc. Je réalise ce que cette métaphore a de présomptueux dans une ville aussi brassée culturellement et génétiquement… But still (mais quand même), les étrangers qui sont là pour rester cherche leur dénominateur commun, les étrangers qui sont là pour partir cherchent leur singularité (qui les rappelle tout naturellement à aimer leur pays d'origine), et de cette différence naît… toute la différence.

Parfois je me dis qu'au lieu de raconter ce qu'il y a de différent ici, je devrais juste parler de ce que nous avons en commun. Je devrais vous dire : ils marchent sur deux jambes, ils préfèrent être assis que debout dans le métro (c'est la danse difficile qui consiste à s'approcher d'un siège s'il est vide mais ne jamais avoir l'air trop concentré sur l'affaire), ils dorment dans des lits et utilisent l'électricité. Le reste est similaire à ce que nous faisons, mais seulement dans les grandes lignes : ils mangent, mais différemment, ils boivent du sucré, mais beaucoup plus, ils boivent de l'eau, mais ce sont en réalité des verres de glaçons arrosés d'un peu d'eau. Ils portent des chaussures, mais la plupart du temps ce sont des baskets. Ils ont différents âges, mais ici le trentenaire fait la loi, ils ont des céréales, mais il y a des marshmallows dedans, ils vont au cinéma mais ils appellent ça “theater”, et comme dans un véritable théâtre ils s'habillent élégamment pour s'y rendre, ils n'utilisent jamais de sucre dans aucun aliment (une loi leur interdit) mais du sirop de maïs (ce qui rend leur nourriture particulièrement mauvaise pour un européen)… rien n'est jamais parfaitement égal. On croit que la mondialisation de la culture se fait de façon linéaire, une sorte de transfert d'une culture à d'autres pays, mais en réalité il s'agirait plutôt d'une langue que l'on transmettrait. Cette langue est assimilée différemment, évolue pour se conformer à la nature de ceux qui la parlent, et finalement le dénominateur commun qui est toujours présent semble ridicule face au nombre des différences.

Et pour finir le couplet éternel de la différence “People are strange when you’re a stranger”, j'ai aussi des cours sur les personnages, pour nous apprendre à créer des êtres qui ont un volume en terme de personnalité, et la professeure à titre d'exemple d'un point de son cours, nous a raconté cette petite histoire toute simple que je vous traduis à l'instant.
Une femme est à l'aéroport. Elle a un peu de temps devant elle, et décide de s'acheter des biscuits. Elle s'assoit tranquillement sur un banc à côté d'un homme, elle ouvre son paquet de biscuits et en prend un. L'homme a côté d'elle la regarde, lui fait un grand sourire et en prend un aussi. Elle trouve qu'il est gonflé de lui prendre un biscuit sans rien lui demander, mais elle ne dit rien et prend un autre biscuit. Il lui sourit et en prend un autre. Ça l'énerve un peu qu'il lui prenne ces biscuits comme ça, alors elle le regarde d'un air mauvais en se resservant une nouvelle fois. Lui a toujours l'air aussi content et se ressert encore dans ses biscuits. Le manège dure un peu, elle est de plus en plus énervée, il est gonflé quand même. Quand ils arrivent au dernier biscuit, elle se dit que quand même il va pas OSER se servir en prenant le dernier biscuit ! Et ça ne loupe pas, il prend le dernier biscuit, il le coupe en deux et lui tend une moitié pendant qu'il mange l'autre, toujours tout sourire. Elle est très énervée, elle le laisse, se lève pour aller prendre son avion, et en cherchant dans son sac pour trouver son billet elle y voit son paquet de biscuit, intact. Elle a passé la dernière heure à manger les biscuits de son voisin.

J'aime cette histoire, le fait que chacun fasse subir à l'autre la même chose, mais que l'un soit heureux de rendre service, partageur, souriant, peu à cheval sur les politesses, alors que l'autre s'énerve petit à petit pour un peu d'impertinence. Lequel des deux auriez-vous été à votre avis ?


samedi 18 septembre 2010

18 septembre 2010 - New York vol.12

New York City : No mercy (New York : Pas de pitié). C'est ce que quelqu'un a écrit en énorme au sol devant ma fenêtre. Je ne sais pas dans quelle New York les jeunes des gangs que je croise parfois dans la rue vivent, mais ce n'est pas la même que moi.

Je m'étais figuré que dans une aussi grande ville les gens seraient comme ils sont à Bordeaux, ou à Paris : froids et distants au premier abord, aveugle à ceux qu'ils croisent et sympathique seulement à ceux qu'ils rencontrent. Non que j'ai quelque chose contre cette façon de vivre, mais j'avais tout faux. Les gens me parlent. Constamment. Certes, comme dans tous les pays mon style vestimentaire un peu décalé, n'est pas innocent de cette familiarité, mais comme des enfants ils sont curieux, peu discrets, ils aiment et n'aiment pas avec emphase. Les gens me demandent où j'ai acheté ci ou ça, si je l'ai fabriqué, combien ça m'a coûté, d'autres m'arrêtent dans le rue “J'adore ton manteau” “J'adore ton manteau” “J'adore ton manteau” “J'adore ta coiffure (?!)” “J'adore ton manteau”. Dans le même acabit, j'ai croisé un homme avant d'entrer dans le bus (des travaux sur ma ligne de métro) qui me trouvait très belle à ce qu'il disait. Il était rigolo avec sa moustache et sa casquette, alors je lui ai sourit et je suis rentrée dans le bus. A l'intérieur, j'ai regardé les gens entrer à ma suite, avec les dix gamins qui cherchent à s'éparpiller ou à grimper aux vitres, les poussettes qui fut un temps étaient conçues pour se replier mais rechignent et grincent au bout du 4ème bambin, les tatouages stupides, etc. Cinq minutes plus tard, au moment où le bus démarre, j'ai jeté un œil par la fenêtre et le moustachu était là, à me regarder, et quand le bus a démarré il m'a fait au revoir de la main et m'a lancé un baiser. J'ai trouvé ça hilarant.
Arrivé à destination je me suis arrêtée sur une petite place où un jeune homme d'une trentaine d'années m'a regardé un moment en silence avant de venir me voir pour me dire “bon, vous êtes d'où ?” Je lui ai répondu, et il était rassuré en quelque sorte, et il ne cessait de répéter “je demande ça à cause du code vestimentaire”. Il était à New York depuis quinze ans. “Et vous vivez de quoi ?” - “Je fais de la musique. Mais… Undiscovered.
Oui je sais, au cinéma aussi on est tous "undiscovered”.
Une petite punkette (“j'adore ton manteau”) a tenu à partager une cigarette avec moi, pendant que je regardais un peu sarcastique les tatouages des passants. Presque tous sont laids, la plupart sont des prénoms avec cette typographie tout en courbes des gangsta : “Audrey”, “Jennifer”… j'ai même vu écrit “John” dans le cou d'un garçon qui portait aussi un crucifix très travaillé et très… gros. Au restaurant, je n'avais pas mangé depuis un petit moment (j'avais cherché pendant une heure un bar à sushi qui s'est avéré fermé), et j'avais l'air fatigué. Le patron au passage me demande “ça va, hein ? T'as l'air triste”. Il a été rassuré par mon appétit. La communication est un mode de vie, ici. Mais pas sous toutes ces formes :
Mon colocataire a porté une plainte pour “nuisance sonore” parce que des ouvriers nous ont réveillé ce matin (samedi) à 9h30 alors que les dérogations du week-end ne permettent de travailler qu'à partir de 10h. C'était à ma fenêtre exactement (j'ai vu un homme débarquer devant ma fenêtre du 18ème étage alors que je m'habillais, ça fait son effet) et c'était épuisant, mais je suis persuadée que n'importe quel européen se serait contenté de grogner, de s'énerver… et finalement d'aller voir ailleurs s'il y est. Ce qui ma foi a été mon cas.

Je réalise alors, à parler à tous et toutes avec le même naturel, que c'est une ville pleine de bruit, mais que ce bruit n'est pas toujours vain…


vendredi 17 septembre 2010

17 septembre 2010 - je me permets...

Je me permets quelques corrections et précisions :

Quand je me suis levée ce matin, il y avait plusieurs cordes qui pendaient devant ma fenêtre. Je les ai suivi du regard et ai regardé en bas. les paquets de “sucre-farine-cocaïne” où je ne sais quoi, étaient toujours là, 18 étages en-dessous. Mais il y avait aussi au bout des cordes des ouvriers au sol, se préparant à faire des travaux que je ne comprends pas. Et c'est à voir ces ouvriers à côté de ces paquets que j'ai réalisé que les paquets en question étaient très loin de faire la taille d'un pigeon, et beaucoup plus proche de la taille de mon bras tendu… Le mystère s'épaissit.

L'orage qui a éclaté hier juste après l'accident n'était pas exactement un orage : c'était l'approche de la tornade. Je suis retournée à Harlem (au nord), alors qu'elle se dirigeait vers Brooklyn (au sud). Le seul moment où je l'ai croisée sans le savoir, une jeune asiatique a croisé une voiture.

Le livre que mon professeur d'adaptation veut nous faire lire est en réalité très drôle. Je ne peux pas juger encore s'il est utile, mais il se lit comme une histoire, rigolote, moqueuse, particulièrement sympathique. Pour vous donner une idée, voici le toute première phrase de la préface (je vous la fait en français) :
“Dans presque tous les séminaires sur l'écriture de scénario où j'ai enseigné, trois questions semblent toujours être soulevées :
- est-ce que vous pourriez nous parler un peu plus de l'adaptation ?
- où sont les toilettes ?
- quels sont les problèmes de droit, et qu'est-ce que le scénariste doit au texte original?
Ce livre répondra à ces questions, et à d'autres similaires sur la nature et la structure des adaptations. Oui je peux parler d'adaptations sur une centaine de pages, et je le fais, donc assis-toi et calme-toi, Kemosabe. Et si tu te poses encore la question, les toilettes sont de l'autre côté du hall, sur la gauche.”

Je cherche d'ailleurs toujours un roman à adapter dont les droits n'aient pas été achetés ou qui soit déjà dans le domaine public… pitié, aidez-moi !


jeudi 16 septembre 2010

16 septembre 2010 : New York vol.12

“Ça s'est passé trop vite” est la phrase consacrée, et c'est la première qui me soit venue. Un orage au-dessus de moi ne se décidait pas à exploser, et j'allais très lentement, parce que j'étais en avance, et que je ne savais pas ce que j'allais faire de ce temps libre. Trop lentement je suppose, car la jeune fille derrière moi, petite asiatique d'une trentaine d'années, me collait aux semelles. Je traversais la rue au rouge clignotant (l'équivalent du orange en France) avec le bruit de ses talons dans les oreilles, mais à peine le pied sur le trottoir, j'entends un choc, un coup de klaxon, et l'homme que je m'apprêtais à croiser hurle quelque chose. Ces trois sons en un quart de seconde exactement.
Quand je me suis retournée, la jeune asiatique était au sol, et se tordait à mes pieds sans que je puisse déceler où était sa douleur. Je parierait qu'elle non plus. Elle essayait de se contorsionner, mais chacun de ses mouvements ne faisait apparemment qu'éveiller une nouvelle douleur. Il n'y avait pas de sang, et je m'efforçais de ne pas renvoyer à la jeune femme le regard de panique que m'inspirait sa propre douleur, de peur de lui faire peur de plus belle. Le son des freins de la voiture retentissait encore à mes oreilles. J'avais conscience d'avoir entendu le choc, puis les freins, et non l'inverse. J'avais conscience qu'elle avait été frappée de plein fouet par une de ces invraisemblables voitures noires, qui allait trop vite sur la 5ème avenue.
Nous avons été trois à nous jeter littéralement aux côtés de la jeune femme. Elle parlait. Mal et peu, mais elle parlait. En l'espace de dix secondes, nous étions 15. La voiture, elle, ne bougeait pas, comme percutée elle aussi. Un homme en est sorti, et par un certain mystère du cerveau humain, a jeté un regard à la scène et a voulu retourner à sa voiture. Une femme a crié “don’t you dare !” (“n'y pense même pas !”) et l'homme, de tout évidence sous le choc, caressant compulsivement sa barbe et ses rouflaquettes, est revenu d'un air hagard.
Un grand homme blond de 40 ans aux allures de professeur d'EPS a pris les choses en mains en moins de temps qu'il ne faut pour le dire, comme si en voyant arriver cette armoire à glace germanique tous les gens présents lui avaient d'un regard proposé la responsabilité de la chose. Il donnait à chacun un ordre, et même si je ne suis pas sûre qu'il ait fait grand chose, il donnait l'impression d'un sens et d'un ordre. Si j'étais d'humeur cynique je ferais une mauvaise remarque sur le juif conducteur et l'aryen héros d'une nation… je ne laisserais même pas passer ça dans un scripte, mais la réalité est souvent plus absurde et cynique que la fiction.
Un autre homme, à genoux à côté de moi, ne cessait de parler à la demoiselle et moi, choquée, ne sachant plus parler un mot d'américain, je les regardais sans broncher. Finalement je me suis relevée, et ai fait quelques pas en arrière, aussitôt remplacée par quelques curieux. Les pompiers sont arrivés. Je jure qu'entre le bruit du choc et le départ des pompiers, ne laissant rien derrière eux, il ne s'est pas passé plus de deux minutes trente. Je suis partie, consciente comme jamais de l'inutilité de chacun de mes membres, l'orage a éclaté, et j'avais encore dans la tête le son de ses talons sur les miens, d'un choc, des freins, d'un coup de klaxon et d'un cri.



Trois blocs plus loin j'ai éclaté en sanglots.



16 septembre 2010 - New York vol.11

Aujourd'hui, pas de grandes réflexions rhétoriques sur le vie new-yorkaise, mais les plus absurdes des petites questions :

- pourquoi l'arrêt de métro “163ème rue” de la ligne 1 se trouve sur la 161ème ?
- pourquoi est-ce que seuls les bouquins sont incroyablement peu chers ici par rapport à leur prix en France ?
- pourquoi Barnes and Noble a créé deux immenses librairies à seulement une rue l'une de l'autre ? - pourquoi est-ce que j'ai choisi d'acheter l'enfer de Dante, italien si je ne m'abuse, comme tout premier livre acheté à New York ? - pourquoi les écureuils qui viennent manger (littéralement, oui, oui) sur mes genoux ont-ils si peur des appareils photo ?
- pourquoi paie-t-on des banques si c'est pour qu'elles nous empêchent d'accéder à notre propre argent ?
- pourquoi y a-t-il ses grands chiffres rouges qui défilent sur Union Square (la question commence à me turlupiner) ?
- pourquoi les américains ne me comprennent jamais quand je prononce le titre de mon film préféré “Rebel without a cause” ?
- pourquoi est-ce que la Marshmallow dream-bar (riz-soufflé au marshmallows) a l'air si dégueulasse et est pourtant si bonne alors que le reste des pâtisseries ont l'air si bonne et sont pourtant si dégueulasse ?
- pourquoi la grand-mère préférée de mon immeuble installe sont transat devant l'immeuble donnant sur une rue sale et bruyante ?
- pourquoi mon professeur d'adaptation de roman, très gentil au demeurant, me parle comme à une attardée mentale alors que je ne suis que… française ?
- pourquoi les escalators font la moitié de la largeur d'un escalator parisien, alors que les gens font le double de la largeur des parisiens ?
- pourquoi mon coloc’ et moi discutons plus sur Facebook que dans la vraie vie alors qu'il n'y a qu'une porte entre lui et moi ?
- pourquoi les aubergines ici s'appelent “eggplant” (plantes-œufs)… quoique si pourquoi pas ?
- et enfin qu'est-ce que les pompiers trouvent de si génial à leur sirène qu'ils la fasse sonner à longueur de journée, et surtout le matin ?


mercredi 15 septembre 2010

15 septembre 2010 - character and plot : mon texte (en anglais)

For many of my friends, she would be the most beautiful girl one has ever seen. And I did not even liked her. Actually, I hated her, every single part of her body drived me crazy. So, think about the whole lot of it…

I have been her older sister for so many years. And one day, I just decided I would not be anymore. Just not. If she had been mean or anything, I could have handled it. But how do you do with such exquisite behaviour, kindness at all times, softness in voice and tone, and a perfectly shaped mind and body ? She was one of those girls who will never be cynical because their beauty have driven them far above that. In my family she was a wind of joy in a house of despair… and I was the despair. I would have been her nemesis if she could even have thought of hating me.
But occasionnally when we were little girls she would bandage my finger I had cut trying to cut hers. What evil is that ? Her soft hands would caress mine and she would do nothing but turning her blue sad eyes on my hand, failing to understand my hate.
I cursed her every night for being so little and so perfect. When she played with those dolls in porcelain our grand-ma had given to us, I could not tell which one was the doll and which one the girl. The same pale face, the same large eyes blinking slowly under her red hair, the same white neck I would have bitten if I could, and even when she moved she had the stillness of a doll.
She looked like her doll, and I broke mine.
I knew everyone loved her for being so cute and were barking after me because I was not. They told me it was ridiculous to even think that, but I knew they said that to look like good parents, loving and caring ones. Her sweet beauty brought every kindness to her, and only the rough words were left for me.
Sometimes I would spend hours in the bathroom, everyone in the house running, and barking, and screaming, and begging me to get out, but I just looked at me for hours in the mirror to find in me something of them. Something of my strong father. Something of my energetic mother, something of my sister, my sister full of grace. But every time I watched, I only saw me. No glimpses of beauty, no clues of elegance. I could only see a little girl, not so little, with scratches on her knees and face, and everywhere this kind of banality you can’t even describe because you never really watch it, even when you try. Looking at myself was boring. At the moment my eyes went on my body and face, my mind was already thinking of something else, trying to fight the uselessness of this sight. No, there was nothing of my parents in me. Maybe I wasn’t their daughter. Maybe they had adopted me and would not tell me about it. Maybe my real parents were dead and I had to wear the ugliness of their accident, or their murder, on me. Maybe that is why I was a little girl looking like a corpse : a daughter of corpses, a single child. Once again everybody told me it was ridiculous, even to think about it. But I know it could have been true. It must have.


And everyday my sister became more beautiful and fresh, and I was only older. Until that day I just decided to go away. I was really young, but I left everything, found a job as far as possible from this beautiful family, I had a husband -not a bad one- and a child, time went by and I didn’t think about my sister anymore… but I was still so angry when I met beautiful people ! Beauty has many shapes, but is always the same. The same harmony and the same challenge to the entire world, and me particularly.


And today I ran into her. Litteraly. I was running by the river, she was running too, a man jumped in the water, we both looked in direction of the noise and… we ran into each other. We had a good laugh at first, but at the exact moment our eyes met I knew it was my sister, and she knew I was hers. She was really taller than I remembered, but still so pale and soft. My anger grew violently in a second. She didn’t seem to care, and asked me if I had a moment to speak a little.
_…
_ « Good. It’s been a long time. » I know, it was the idea actuallly. But I could'nt answer. _ « I am so happy to see you again ! What have you been doing all this time ?! »
_…
_ « Ok… I am an intern right now. In an hospital not very far from here »
She said « intern », but I heard « nurse ». I could picture her as some nurse ninety years ago, turning her blue sad eyes on some war injury. Every soldier would be in love with her. Every little boy, too.
_ « You don’t speak very much. I understand… You know, I need to tell you… »
She really wanted some help. I could see the words trembling on her lips, but no sound came. And finally :
_ « Dad died a few years ago ». Was it possible ? Of course it was possible. Of course she was there, at his bed, with him, talking to him like an angel to reassure him, to lead him softly to the death. She was the one to help him, and I was the one to wear the horror of his death on me and my face.
_ « … maybe you could say something, you know… »
_ « What do you want ? » These were my first words to her after years and I could hear in my voice the same angry little girl I was when I insulted her and her doll. Maybe if I could really hurt her, her face would distort, her body would move under her hiccough and tears, and maybe then she could be ugly. Or even worse : commonplace.
But she wasn’t hurt enough. She had her hand on her belly, I had hit her.
_ « I want… I want my sister back. »
_ « That’s silly. I’m not your sister, you know that. We might have had the same parents, but we have nothing in common, nothing to keep us together. »
_ « You are stupid. Or crazy. Maybe both. »
_ « I am not stupid ! I had to endure your humiliating beauty every day of my life. Every day I had to wake up knowing that I could have been you, but I am only me. I will never have the chances you got in life, just being splendid as you are ! It’s unfair ! I don’t want to live with this ! »
_ « You are crazy ! We are identical TWINS, you stupid ! You have the same face as me, the same voice, and even the same body. We are equal, everyday of our life ! How can’t you accept that ? »
Twins, twins, twins, we are twins, I know we are twins, I don’t want to hear that. I don’t want to hear I had the same chances as you. You stole my beauty and my identity. I have to say this :
_ « You are the perfect doll, I am the broken one. »
_ « The perfect doll ? Great ! I don’t want to be the perfect doll ! It’s boring ! See, after you left I had this car accident and… »
She lifted her skirt to the top of her leg. A huge scar was running from her ankle to her hip.
_ See? I can make stupid things too !
But I wasn’t listening to her. I kept looking at this scar and I could not get off my mind how ugly it was on this soft skin. This leg was unfinished, unclosed, roughly sealed. All of a sudden, I could see the broken doll in her. As my eyes were going up her scar I could see every broken things I had not seen before in her. I could see how she never sang in tune, and sometimes even whistled things atrociously. How she always torned my books cover and give it back to me with chocolate or cream on it. When I looked at the knee I was thinking about her being afraid at butterflies, and how she always implacably killed everyone of them, especially at night when they were like stuck on our lamp. When I looked at her thigh I thought of those boys she dated : the most stupid and selfish boys on the earth, they all came in our basement to see her in private. I thought of her way to scratch her cheek when she was embarassed or had nothing to say, leaving a small red mark. I remembered how her white skin became red or pink after just two minutes under the sun, just like mine. I remembered she was as much a broken doll as everyone. And when I came to the hip, there was no scar anymore. There, I thought about me, my husband, my sad blue eyes, my white skin, my soft voice and how I see the world. Maybe my doll is not that broken after all…
She was still talking and I said :
_ « Could we see each other tomorrow ? »

She looked at me with her stupid eyes, and I did not even liked her yet, but I loved her having stupid eyes.



mardi 14 septembre 2010

14 septembre 2010 - New York vol.10

Le 11 septembre, j'ai cru ne pas voir grand chose.
J'ai cru que les New-Yorkais commençaient à s'en moquer un peu. Mais en réalité c'était moi qui m'en moquais.
J'ai passé une journée très agréable de touriste modèle en compagnie de deux amis. Visite de la statue de la liberté, du musée de l'immigration sur Ellis Island, puis coucher de soleil sur le lac Onassis dans Central Park, puis on est allés manger des sushis excellents, puis fumer deux chichas dans East Village, et enfin, nous sommes allés sur le Brooklyn Bridge, voir l'horloge géante de Brooklyn nous indiquer les 2h du matin depuis l'autre rive de East River. Beaucoup de rires, une journée passée à changer de langue au cours de la même phrase, à prendre différents accents pour se comprendre, à se faire deviner les uns les autres des chansons des Beatles. Nous avons oublié toute une journée durant que nous n'étions pas une journée comme les autres dans le cœur des new- yorkais. Et qu'importe les champs de drapeaux américains plantés partout dans le ville, qu'importe les réunions et les prières, les enfants tendant des roses à des pompiers depuis les épaules de leur père… Il aura fallu attendre la nuit, une fois postés sur le Brooklyn Bridge, sacré pont s'il en est, pour que nous prenions conscience de ces deux immenses lumières qui veillaient sur nous. J'ai cru à une boîte de nuit ou une attraction quelconque comme New York en dispose de centaines. Et pour être sincère, ce n'est que le lendemain que j'ai appris la raison de ces deux énormes rayons lumineux lancés vers le ciel, censés remplacer une journée durant, pour l'anniversaire de leur destruction, les deux tours comme deux fantômes de lumières. Je n'invente pas cet esprit mystique dont les américains ont investi le symbole. Je n'y voyais pas plus que la publicité d'une grosse boîte de nuit, donc voyez comme à moi seule je ruinais la métaphore ! Malgré tout, les centaines d'oiseaux rendus fous par ces lumières, des papillons géants pour une lumière géante, rendaient la scène parfaitement étrange et inquiétante.
Mais ce n'est que le lendemain que j'ai été pénétrée par l'impression de silence de cette journée. Ce n'est que le lendemain que j'ai réalisé qu'il y avait si peu de gens dans les rues, si peu de bruits et de cris, si peu de taxi en pleine course… Bien sûr, la parade du Labor Day avait été annulée, c'était jour férié, les magasins étaient fermés, il y a mille explication à cela, mais qu'une ville aussi folle ait pu être réduite à ce presque silence par un évènement d'il y a presque dix ans, m'a encore une fois fait réaliser l'ampleur de la chose.



C'en est suivi les premiers jours à New York que je puisse appeler “quotidien”… ce travail pour mon école, sur la rencontre des deux personnages dont l'un doit être une très belle femme, m'a pris des heures. Pour une raison ou pour une autre, je m'étais interdit de manger avant d'avoir fini mon texte, et la faim m'ayant rendu cynique le personnage a suivi. Le texte est en anglais, bien sûr, mais je compte quand même le copier dans un prochain article, pour mémoire de la première fois que j'ai essayé de me créer un style dans une langue qui n'est pas la mienne. Bizarrement, rarement un travail d'écriture n'avait été si important pour moi. Dans cette langue, absolument rien ne m'est acquis, j'ai encore tout à prouver, comme une enfant qui fait sa première rédaction au primaire. Quelque chose comme “Aujourd'hui je suis allée à la montagne avec papa et maman, j'ai vu un renard et un aigle et il y avait de la neige partout”. Quelque chose comme ça. Le jour où j'ai rendu ce texte à ma “pas jolie mais très gentille” institutrice, elle m'a dit que si tous les élèves lui rendaient des textes aussi long et aussi bien écrit, elle aurait beaucoup beaucoup de travail. J'ai été fière comme un lama (j'ai trouvé l'animal le plus ridicule et le plus fier soit), et j'ai commencé par cette petite aventure une grande histoire d'amour avec la littérature. Et voilà que j'ai ressenti cette même anxiété à écrire ce texte maladroit, et je n'en serai relevée que la semaine prochaine.
J'ai donc passé des heures à marcher, à faire mes devoirs, à chercher à manger, et à chercher désespérément à communiquer avec mes amis et amours en France. Il y a si peu de gens à qui faire partager tout ce que je vis et vois ! Je ne suis pas seulement à 6010.597 km d'eux, mais aussi à 6h de décalage horaire. J'aime être seule, mais j'ai besoin de savoir que le fait que je ne sois pas là compte pour quelqu'un… Et c'est le cas, je le sais, ils me le montrent mais chaque jour je cherche un nouvel indice pour m'en persuader. C'est un carburant social nécessaire je suppose.
Pendant ces quelques jours aussi, j'ai vu la qualité de mon anglais diminuer considérablement. Soit qu'être à New-York me rende plus stupide, soit que je me rende compte chaque jour un peu plus de mes différentes lacunes en anglais, me rendant ainsi plus critique envers moi-même, quoiqu'il en soit je ne suis pas moitié aussi à l'aise avec cette langue que je ne l'étais en arrivant. Ce qui me laisse avec cette double ironie : à New York, je parle moins bien américain, et je maigris. Mais je pense que ces deux ironies vont s'inverser, et ce pour le meilleur et pour le pire : je parlerai mieux anglais, et je prendrai du poids. Il parait qu'on ne peut pas tout avoir dans la vie.
J'ai aussi profité de ces quelques jours de banalité pour visiter la bibliothèque de mon école. A vrai dire je découvre chaque jour de nouvelles facettes de mon école : un bar sans alcool (fruits et jus de fruits) équipé d'ordinateurs Imac avec internet, de canapés zébrés et de murs imitation léopard, qui m'amuse beaucoup et qui a la bonne idée de s'appeler le Monkey Bar Lounge. Mais aussi une cafétéria qui sert entre les cours des cafés et des donughts et qui s'appelle Chez Moe’s, quoique je n'y ai jamais rencontré personne du nom de Moe ; un magasin d'ordinateurs et d'accessoires, vendant aussi quelques vêtements et autres couvertures à l'effigie de notre école préférée (je vous laisse deviner) ; un magasin de matériaux d'arts parce qu'on est quand même une école d'art ; une librairie pour acheter tous ces bouquins que les professeurs nous demandent à prix réduits ; et une bibliothèque pour ceux qui rechigneraient à aller à la librairie. La Bibliothèque donc, est aussi équipée de photocopieuses et imprimantes gratuites, de scanners, d'ordinateurs avec internet, et on y trouve tous les livres possibles et imaginables sur l'art, le cinéma, etc. Un rayon entier pour les scénarios de films et de série, un autre pour les mangas, un autre encore pour les comics et bandes dessinées, et dans des coffres géants, les archives de toutes les revues spécialisées, depuis l'ouverture de l'école. Ça ne blague pas par ici. D'ailleurs le silence contraste tellement avec le reste de la ville, que je préfère ne pas y rester trop longtemps. Au fond, j'aime bien lire mes bouquins dans un parc, ou sur une place, quand les choses autour de moi m'aident à donner vie aux formes et mouvements induits par mes pages.
J'ai eu aussi un cours de montage, et là je dois dire que la qualité du cours n'est surpassée que par la qualité du matériel qui est à notre disposition, le seul bémol étant que mon professeur, jeune et confiant, a adopté en même temps que ses cheveux blonds et son look australien, un accent déroutant qui me rend tout aussi dubitative qu'une de mes camarades, californienne. Laquelle semble m'avoir adoptée. Il faut croire que j'ai quelque chose de rassurant pour les expatriés comme moi.
En Production design par contre, où nous sommes toujours aussi nombreux et toujours aussi peu à ne pas prendre ce cours par obligation (et donc avec réticence), la professeur a distribué les rôles sur le scène que nous allons tourner. Ainsi dans un cours de Production Design, quand elle a demandé qui voulait être… production designer, une seule main s'est levé. La mienne. La professeure a eu l'air estomaqué qu'une personne s'intéresse véritablement à son cours. Les 50 autres élèves se disputent encore les rôles à la caméra et à la lumière laissant inoccupés (ce qui est incroyable) les rôles d'ingénieur son, de costumier, d'accessoiriste et… de réalisateur.
Je vais donc terminer cet inventaire à la Prévert (je ne sais plus qui j'entendais dire qu'il détestait que les gens utilisent cette expression à tort et à travers, mais comme vous pouvez le voir je me venge ici de sa condescendance) par cet homme qui est rentré dans ma rame de métro pour faire la manche… Il avait ce panneau qui expliquait qu'il avait été déformé par une attaque acide, et je dois admettre que son visage n'avait plus grand chose de ce qu'on assimile à un être humain (une bouche, un nez, deux yeux, deux oreilles, et dans le meilleur des cas des cheveux), au point que les nombreuses personnes qui lui donnaient de l'argent le faisaient en évitant soigneusement de le regarder dans les yeux, lesquels du reste j'ai eu bien du mal à trouver. Je ne doute pas une seconde qu'il ne puisse pas aisément trouver du travail, ou même quelque assistance dans ce pays où “assistance” est un gros mot. Cependant je n'ai pas pu me décider à lui donner de l'argent. Ce n'est pas par avarice, vraiment, certainement pas cette fois-ci, mais j'avais son visage devant les yeux et, voilà le problème, j'avais pitié de lui. Je ne sais pas si j'arriverai à être claire sur ce sentiment complexe qui est le mien mais j'aime donner de l'argent quand c'est pour permettre à une personne
de s'élever à mon niveau. C'est une manière pour moi de dire “la seule différence entre toi et moi c'est cet argent, alors partageons-le un peu et tu seras mon égal en tout point”. Mais quand j'ai trop pitié cet argent que je donne il prend un tout autre sens, il prend un sens méchant, j'ai l'impression de donner à un chien un os à ronger, j'ai l'impression qu'avec cet argent je ne comble plus un écart, je le montre. Je ne peux pas donner à celles qui font la manche avec leurs enfants dans les bras, pas plus qu'à cet homme sans visage, et en contrepartie j'avais moins de mal à donner quelque chose à ce garçon qui me draguait au bas de ma rue, mais dont je savais pertinemment qu'il le dépenserait en bière. Un jour un homme lui avait dit “essayez de dépenser ce que je vous donne en nourriture et pas en bière”, et le jeune garçon avait répondu “je le ferai le jour où la nourriture sera moins chère que la bière”. C'était peut-être une mauvaise blague, mais il avait encore cette fierté qui remet la mendicité à sa place. Si je donne à quelqu'un qui n'a plus cette fierté, je lui enlève son humanité. Mais en échange je lui donne de quoi manger. Sauriez-vous faire ce choix à ma place ?

jeudi 9 septembre 2010

9 septembre 2010 - New York vol.7

New York est une ville… épuisante.



Je suis allée voir un spectacle à Broadway hier. Memphis. Alors bien sûr Times Square la nuit c'est fascinant, et grand, et coloré, et puis il y avait ce spectacle beaucoup, beaucoup trop fort, dont les décors magnifiques se déplaçaient, changeaient et s'échangeaient perpétuellement, ces chorégraphies survoltées sur du Rythm and Blues et du Rock and Roll pur jus, ce scénario sans finesse mais sans faux pas, toute cette énergie ! …
Je me sentais un peu seule, en fait.
Je suis sortie et j'en avais assez de voir des gens sans les voir, de leur parler sans discuter.



Je me suis réveillée ce matin au son du sirène qui n'a pas cessé de sonner ensuite, et plutôt que de continuer à tourner en rond dans mon appartement avec le bruit de la rue et de la maudite corne, j'ai décidé d'aller à Bleecker Street. C'est une rue reposante, constituée de librairies, de boutiques de vinyles et de magasins vintages pour fortunés. Ça se trouve dans le quartier gay de New York, quoique les sondages montrent que New York est à elle seule un quartier gay. Mais bon Bleecker Street donne sur Gay Street, on peut difficilement faire mieux. Je rentre dans la fameuse librairie Barnes and Noble, et un seul regard me suffit pour savoir que je n'y achèterai rien. Oh oui, c'est grand. mais passés les T-shirts et autres cartes postales ça respire le livre sans vie, le commerce sans passion… et ça sent le nettoyant. Qui peut lire un livre qui n'a pas l'odeur de livre ? A ce compte-là, autant se servir sur internet ! Ils n'ont même pas ce que je veux. Pourtant ce que je veux, je ne le veux pas vraiment : c'est un de ces livres au titre prometteur : “comment devenir un véritable artiste célèbre et talentueux en 200 pages” (en réalité le titre est très exactement “comment adapter quoi que ce soit en scénario”, et ça me fait sacrément rire). Mon professeur de philosophie du lycée me renierait certainement à jamais, mais mon professeur d’ “Adaptation de roman” considère ce manuel comme un must have… alors je must have (“et j'parle français, c'est un plaisir”…).
Bref, je ressors de là avec la fatigue des supermarchés, et je rentre dans ce lieu salvateur qu'est la boutique “Bleecker Street Records” où l'on peut trouver des milliers de CDs et de Vinyles neuf, d'occasions et rares. Ils ont tout, et bien sûr tous les vinyles qui m'intéressent y sont pour cinq fois trop chers. Je ralentis sur un Bizet, mais là par contre pour 1,50$ et un disque impeccable, j'ai un peu peur quand à la qualité de l'orchestre (“Philadelphia orchestra” pour les curieux… pas très tentant, hein?). Bref, j'achète quand même deux vinyles et quand je sors, il fait nuit. Comme je suppose que les journées n'ont pas raccourci exagérément d'un jour à l'autre (et à en juger par mon état léthargique) j'ai bien dû passer plusieurs heures dans ce magasin à rechercher dans les moindres recoins la petite affaire cachée.
Ce qui n'empêche pas que je n'ai pas le satané bouquin. Je rentre donc dans une deuxième librairie, non moins célèbre et qui répond au nom de “strand bookstore”. J'y entre dans un état peu engageant, dubitative et ennuyée, mais un coup d'œil aux lieux me redonne un élan d'énergie (qui sera le dernier) : des livres littéralement du sol au plafond, sur 4 étages et plusieurs mezzanines. Des livres rares, anciens, d'autres neuf, des étagères en bois sur les côtés, au milieu, des commodes de livres qu'on bouscule sans faire exprès, des cartons au sol avec encore d'autres milliers de livres à l'intérieur, des gens assis dans les coins pour tester leurs bouquins, des échelles pour atteindre les livres dont on n'arrive déjà plus à lire les titres, et une odeur de papier, de cuir et de bois. Le livre de poche n'ayant jamais fait son apparition au Etats-Unis, chaque livre est plus grand et plus gros que le précédent, et donc on trouve des étagères exprès pour les livres trop gros… Une mezzanine rien que pour les peintres, une autre rien que pour les contes pour enfants, et bien sûr un tri improbable (qui voudrait trier autant de bouquins ?) avec de toutes petites figurines pour savoir à quel rayon on est : un appareil photo pour les bouquins sur la photographie, un mannequin pour les livres de stylisme… et un pingouin pour les livres de fictions. Ils n'ont pas mon livre (qui pourrait leur en vouloir ?) mais ils ont tous les autres livres de la planète.
Trop de vinyles, trop de livres, en sortant de là j'ai perdu toute once d'énergie qui pouvait me rester.
Je m'assois sur Union Square, mais ne serait-ce que regarder les gens me fatigue. Certes c'est passionnant : il y a ce joueur de jazz, ce danseur de hip-hop, ces vieux qui jouent aux échecs, ces couples qui s'embrassent, et ces énormes chiffres rouges qui ne cessent de défiler au-dessus de tout ça comme pour prédire la fin du monde là où le monde est le plus vivant. Je rentre dans le métro, et le joueur de saxo fait place en sous-sol à un gospel, qui fait place à l'étage au-dessous à un batteur en solo, qui fait place l'étage au-dessous à un violoniste. Le tout de concert avec le bruit des métros qui freinent violemment, et repartent en grinçant. En rentrant dans le premier métro il y a cette femme noire d'environ 30 ans, avec sa petite gamine qui hurle tant qu'elle peut en pleurant plus de larmes que son petit corps ne peut en contenir. C'est que la mère défait les tresses des cheveux crépus de sa fille d'une main experte mais peu caressante. Une fois le travail terminé, la petite lève son adorable visage métissé vers sa mère, qui lui passe la main sur le visage. Moi, ce que je vois, ce sont de gigantesques ongles colorés passant sur le visage fragile de cette petite chose, et ça me fait l'effet d'une sorcière qui voudrait ôter le visage d'une minuscule princesse d'un revers de la main. Ces ongles si long, ce visage si petit… c'est effrayant. Mais la princesse, elle, est rassurée par ce geste maternel. A côté d'elles deux parisiennes discutent du film “Le Concert” en donnant dans le pincé (“c'était d'une drôlerie ! Je ne te raconte pas !”) : je ne suis ni la première, ni la dernière à être fascinée par les inestimables rapprochement que le métro effectue. Mesdames les précieuses et cette magnifique sorcière aux ongles longs débarquée tout droit de Harlem ne pourront jamais être plus proche que de ce siège à celui-là dans cette rame de métro. Aucune barrière n'est franchie, seule l'image ment cyniquement sur cet état de fait.
Mais même dans ce contraste il y a de la fatigue. C'est un contraste trop coloré, trop exagéré. Et quand je sors de ce métro, il y a encore tous ces bruits de musiciens, cet homme qui prend les gens à partie pour faire la manche dans le métro, les bruits de climatisation et les “dings” des ascenseurs, les voix inaudibles dans le mégaphones, les sonneries régulières des portables qui n'ont plus de batterie, le son dans les écouteurs de celle qui marche à côté de moi, qui à l'heure qui l'est doit être rendue parfaitement sourde puisqu'à un mètre cinquante j'entendais le son régulier de quelque basse de R'n'B… De l'autre côté il y a ces photos exposées le long du tunnel, de ce style “sans titre 2” de l'art moderne des années 90 : même pas abstrait dans la forme, totalement abstrait dans le sens (et vain dans l'émotion). Ces affiches représentent chacune un outil doré sur un drap argenté. Et alors que je passe devant ces pelles et ces fourches en or, je pense au prochain métro où je vais peut-être avoir la chance de me trouver en silence, même un silence relatif à la ville de New York, un silence qui dans tout autre lieu serait du bruit. Même l'amalgame de sons que les trop citadins prennent pour du silence. Mais c'est oublier que le bruit est partout. Le bruit est dans ces affiches qui tapissent l'intérieur de la rame, avec ces slogans qui tâchent. Il est dans les chaussures orange fluorescent aux lacets multicolores de celle qui me fait face. Il est dans tous ces ongles rouges, roses, bleus, à carreaux jaunes et verts (je n'invente rien), il est dans toutes ces poches (bouh la toulousaine !) de magasins et à nouveaux leurs slogans tapageurs, il est dans cette couverture de bouquin d'une autre dame en face de moi, une photographie d'une femme avec un parapluie rouge au milieu d'un champ de fleurs d'inspiration impressionniste (ça devrait être interdit). Mes yeux maintenant aussi recherchent le silence.
Sortie du métro les enseignes des magasins me jetent des milliers de points de couleurs à la figure, les mots apparaissent et disparaissent en LEDs jaunes et rouges, dans des explosions ou des désintégrations, les taxis engueulent les passants qui engueulent les taxis, des jeunes se lancent à la figure des ballons de baskets et des mots mexicains, et j'arrive enfin à mon appartement du 18ème étage, où je n'entends plus que le son très présent mais assourdi de la ville autour de moi, pour rejeter toute la puissance de ce bruit et de cette fatigue sur le pauvre lecteur alangui que vous êtes…


mardi 7 septembre 2010

7 septembre 2010 - New York vol.6

Il y a des pubs dans le ciel ici… Des avions balancent dans le ciel bleu de petits points de fumée blanche, lesquels forment des mots, lesquels forment des slogans. L'ingénieux ingénieur n'ayant pas pensé une seconde qu'avec la hauteur des bâtiments new yorkais, il faut vraiment être une flâneuse pour lever les yeux aussi haut, et qu'on ne peut pas lire plus de deux mots. J'aurais donc lu une fois “Geico” (à vous de deviner ce que peut être Geico, j'opte pour un supermarché en ligne, parce que je joue dangereusement), et une autre fois, très distinctement “than just”. Ces deux mots avortés d'une phrase sans début ni fin me sont d'ailleurs restés dans la tête toute la journée comme ces chansons en forme de ritournelles qui restent bloquée entre deux neurones. Si j'étais sadique, je crois que je mettrai sur mon profil quelque chose comme la chanson des Restos du Cœur…
Bref, je me suis levée trop tôt ce matin, et à peine les yeux ouverts j'aperçois quelque chose tomber devant ma fenêtre (je suis au 18ème étage d'un immeuble qui en compte 35) et s'écraser en bas avec un bruit mat. Puis un autre. J'avais l'impression d'assister à un suicide collectif de pigeons (il paraît que les pigeons à Venise se suicident en plein sur la place Saint Marc, dixit un professeur d'économie de ma connaissance…). Mais en allant à ma fenêtre, je vois en bas une quarantaine de petits paquets blancs de la taille d'un pigeon en effet, contenant du sable, ou du sucre ou je ne sais quoi, et explosés sur le sol. Il en est venu quelques autres (j'en compte 77 ce soir) et puis plus rien. Les plus grands mystères portent sur les plus petites choses…



Comme j'étais encore en avance, j'ai décidé de faire une partie du chemin en métro, et une autre à pied, et le calcul était bien réalisé car je suis arrivée à la porte de ma classe 5 minutes avant le début des cours. Aujourd'hui j'ai 9h de cours d'affilée. Réellement d'affilée puisque j'ai cours de 12h à 21h. J'avais mangé un peu avant de partir (c'est-à-dire à 10h15…) et j'avais pour tenir la journée un gros paquet de cerises séchées… ça a fait l'affaire. Je rentre pour mon premier cours, “production design”, un cours de décor, et misère de misère la professeure est italienne ! Entre son accent et ses fautes d'anglais, et mon accent et mon anglais, j'ai l'impression de devoir franchir deux barrières de la langue en même temps… essayez de jouer à saute-mouton pendant trois heures d'affilées… Bien sûr on était presque autant à ce cours (54 personnes) que dans toutes mon école en France, alors même qu'il y a assez de cours au choix ici pour remplir une Bible. Mais le cours commence, elle nous présente ce qu'elle a fait avant de devenir professeure et maintenant encore, et à ce que je vois beaucoup des professeurs de la SVA à New York sont de jeunes artistes qui ont eu beaucoup de succès dans leur travail, et qui veulent à tout prix montrer à tous à quel point ils ont réussi en donnant des cours à une école de prestige, sorte de récompense de leur travail. Cette professeure donc, a conçu le design d'une grande partie des décors de la série Rome, de nombreux films italiens ainsi que de La Vie Aquatique, donc elle a conçu le bateau et l'hôtel. J'échange ma vie avec elle quand elle veut. Pourtant elle semblait désespérée car des 54 élèves présents seuls 5 (je m'inclus) étaient là de leur plein gré, les 49 autres étant en section “cinematography” pour devenir chef opérateur, avaient pour obligation de prendre ce cours. A la fin du semestre, nous allons reconstituer une scène de Cinderella Man, exercice que j'ai déjà fait à l'ESAV l'année dernière avec “Casablanca”, mon inquiétude étant que nous étions 5 sur Casablanca, et que nous serons 11 fois plus nombreux sur ce film… Ce qui est peut-être une représentation de la vision du cinéma dans chacun des deux pays puisqu'en France nous avons un décorateur (deux pour les films à gros budget) qui s'occupe de tout, alors qu'aux Etats-Unis nous avons (j'ai la liste sous les yeux) un “art director”, un “set designer”, un “scenic artist”, un “illustrator”, un “draftsman”, un “set decorator”, un “set dresser”, un “lead man”, un “buyer”, un “greensman”, un “construction coordinator”, une “construction crew”, un “location scouting” et un “location manager”. La différence entre chacun ? Eux seuls le savent, a priori.
Hop, je saute de mon bureau pour atterrir dans une autre salle et y suivre mon cours “Character and plot” (personnages et sujet, dans un scénario) où il y a très exactement 14 bureaux et 15 chaises, et où nous sommes 15. 14 garçons et une fille (votre dévouée), ce qui est à peu près le quota de cette école à ce que j'en ai vu aujourd'hui. La professeure arrive (mais mon dieu c'est une fille, et en plus
elle est jolie ce qui a tendance à provoquer un certain émoi autour de moi), elle a notre âge, un piercing dans le nez, des tatouages colorés sur les bras, un T-shirt immonde, les lunettes d'Audrey Hepburn dans Breakfast at Tiffany’s et la coiffure de Hairspray, le tout donnant ce sacré mélange de vitamines qui fait toujours son effet. Et bien sûr, nous attaquons par une analyse légère de “La plus belle femme de la ville” de Bukowski et sur la création des deux personnages dans cette nouvelle qu'elle nous lit en classe. Je suis aux anges du début à la fin. Qu'importe si la moitié de ses mots disparaissent dans le fouillis de son accent américain du label “je suis cool, you know”. Et tant pis si elle nous donne chaque semaine un travail de 4 pages à photocopier en 16 exemplaires (un pour chaque personne de la classe, un pour la professeure) alors que je n'ai pas là moindre idée de où est- ce que je vais pouvoir imprimer mon travail. Pour la semaine prochaine nous devons écrire la rencontre de deux personnages dont l'un au moins doit être (à notre vision) “la plus belle femme de la ville”. Il me tarde de m'y attabler (ah, si seulement c'était en français !).
Je quitte son cours déjà exténuée de 6h d'affilée de conversations, et entre dans un autre building pour mon cours “introduction to acting”, introduction au travail d'acteur. La salle résonne, la clim fait un bruit monstrueux au point que je demande à la couper (climatisation, résonance, personne qui parle très vite en anglais et 6h de cours dans les pattes, c'était un peu trop pour ma petite tête affolée). La professeure est une actrice de Hollywood (ça en jette, mais je ne connais rien des noms de pièces, de films et de séries qu'elle a cité) qui adoooore ma robe (j'ai eu droit à cette remarque 5 fois aujourd'hui… mais en réalité c'était l'effet escompté, c'est ma robe préférée et rien que le fait qu'elle s'appelle Peggy Sue devrait justifier que tout le monde l'aime). Nous sommes une dizaine, principalement des filles cherchez l'erreur, et le cours est extrêmement difficile. Non pas à cause des improvisations et autres exercices, j'y suis habituée, mais parce que toutes ces improvisations portent sur la vitesse d'improvisation en langue américaine. Un exemple au hasard : nous sommes assis en rond par terre, la professeure nous raconte le début d'une histoire assez simple (Bob a de l'argent, il veut s'acheter une voiture, il va chez le garagiste mais…“) et passe la parole à l'un d'entre nous. Cette personne doit alors dire un mot qui fasse sens avec le début de la phrase en regardant son partenaire de droite dans les yeux, lequel se tourne vers son partenaire de droite pour lui dire le mot suivant, le but étant de construire à plusieurs la suite de l'histoire, et le plus fort possible et de plus en plus vite avec la professeure derrière s'exclamant de temps à autres "Louder !” ou “faster !”, alors on va de plus-en-plus-vite-ça-ne-fait-..plus-aucun-sens-c'était-quoi-..son-nom-au-mec-déjà-?- Je-me-..suis-trompée-c'est-pas-grave-..quoi-c'est-déjà-à-moi-allez-..le-premier-mot-anglais-qui- te-..vient-oh-il-est-pas-mal-celui-..là-mais-comment-est-ce-..possible-c'est-déjà-à-moi-..encore-non- non-non-rien-ne-..vient-au-secours-à-l'aiiiiide ! ET MERDE ! Veuillez me croire, ne pas parler anglais couramment (pourtant mon anglais n'est pas mauvais) est un handicap. Bien sûr, ça rend aussi ce cours encore plus passionnant, à condition de laisser un peu son ego à part.
Et puis, et c'est le privilège des classes de théâtre, les gens y sont si peu nombreux et si proches pendant la durée des cours que les liens se créent vite. Ce soir, c'était Johanna (qui m'a adoptée très rapidement) et Justin.
En sortant de 9h de concentration absolue et de capharnaüm, j'ai fumé une cigarette. La professeure est passé pour me dire “oh, you’re french, I can’t tell you to quit it’s in your blood” (oh, tu es française, je ne peux pas te dire d'arrêter de fumer c'est dans votre sang). Mais la raison pour laquelle si peu de New Yorkais fument je la connais : le paquet coûte 11$.
Je vous écris enfin avec difficulté en savourant une certaine aubergine fourrée bien connue de mes plus fervents lecteurs, et dans laquelle j'ai réussi à compter jusqu'à présent 11 gousses d'ail. L'idée que la cuisine française soit entièrement conçue pour éloigner les vampires ne quitte décidément pas le reste du monde…



lundi 6 septembre 2010

6 septembre 2010 - New York vol.5

J'ai mangé ! Je veux dire… pour de vrai ! Quelque chose qui n'avait pas uniquement le goût de graisse et la couleur de M&M’s !
Et en soi c'est toute une aventure.
J'étais partie à 2pm pour rencontrer mon prochain colocataire, et blablater avec lui de littérature et de philosophie, parce qu'il fait partie de cette classe intellectuelle New-Yorkaise (qui vit de jazz mais n'est plus beatnik depuis des générations) qui se targue d'un brin de connaissances et d'analyse. En outre ce n'est pas faux, et la discussion était très agréable. Je lui ai même pardonné, dans la ferveur de la discussion, d'être un si grand adepte de Platon. Il m'a pardonné de n'avoir jamais lu de Shakespeare… oui, je sais.
Et puis il expliquait que pour lui aux Etats-Unis il y avait New-York et le reste, ce par quoi j'ai pu juger qu'il n'y a pas de parisianisme qu'à Paris. Il faisait aussi partie de ces américains anti- américains, qui se confrontent quotidiennement à leur propre culture, mais deviennent bizarrement très patriotes dès qu'ils font face à une culture étrangère. Ma foi ce doit-être une position épuisante. Bref, il me disait d'un air très sûr, avec un brin de malice, qu'à New York on pouvait trouver la meilleure nourriture du monde (il l'a répété trois fois, le cynisme de mon regard a dû le rendre un instant méfiant), le tout étant de connaître, et d'y mettre le prix. Soit. Où ?
Comme il est New-Yorkais, c'est-à-dire gentil et serviable, il enfile ses chaussures et fait une partie du chemin avec moi en direction du supposé supermarché de mes rêves, où il y a de vraies choses à base de vraies choses. Il m'accompagne ainsi jusqu'à Riverside Park. Là il me dit “c'est bien simple, tu longes la berge, c'est de l'autre côté du parc, tu ne pourras pas le rater il est sur l'eau”. Eh bien soit je l'ai raté, soit il est sous l'eau. J'ai longé sagement le long parc au bord de l'eau. Des jeunes jouaient au Baseball, des gens faisaient du roller, du vélo, de la course, des familles étaient posées sur des transats devant des barbecues fumants, des petites filles jouaient avec des machines à bulle larges comme des raquettes qu'une petite fille en moi leur enviait joyeusement, des enfants en maillots se rafraichissaient sous les longs jets d'eau ou dans les petits bassins, des musiciens jouaient dans un coin… Il y a tant de vie sur ce parc ! Mais pas de supermarché.
J'ai donc abandonné les rives, et pris le métro pour aller bien loin de là jeter un œil au Dakota Building, où John Lennon a été assassiné. C'est un très bel immeuble, j'ai pris des photos de touristes sans grand intérêt, et remarquez que quand on est seul on ne reste pas des heures devant une belle chose. Puisqu'on ne peut en parler à personne sur l'instant on jette un œil, on se tord le cou trois minutes pour que le déplacement ait valu le coup, et on s'en va. Mais c'est un bel immeuble, vraiment.
Comme il commence à se faire un peu tard, j'ai une envie irrésistible de cinéma. Chez moi, ça vient comme la faim ou la soif : la repousser revient à la faire grandir.
Et bien entendu, sur le chemin du cinéma, à exactement 85 rues de là où il était censé se trouver, je trouve le magasin dont mon colocataire m'avait parlé. Il est plein à craquer, et l'intérieur me fait gentiment sourire : imaginez que c'est entièrement fait de produits français ou de terroirs (des fromages par centaines, des ristes d'aubergines, des ratatouilles, du poulet basquaise). Je suis dans un magasin bio. Et le bio à New York, c'est la France. Ceci dit j'y trouve aussi des indémodables non-français (des pâtes, de la bolognaise, des centaines de sauces). Et puis des trucs américains (j'en achète aussi, je suis là pour ça), mais de qualité : des cheese cakes, du pain à hamburger, des céréales du matin (je m'étais promis de tester ces ronds de toutes les couleurs que les petits américains mettent dans leur bol dans les films, mais au dernier moment j'ai été prise d'un souffle de lâcheté). J'ai aussi acheté chez le traiteur une aubergine fourrée aux légumes et au fromage (voyez rien qu'à en prononcer le nom je savais que c'était elle, elle seule que je cherchais depuis des jours) pour mon repas de demain midi. Cependant la cuisine de mon colocataire actuel est un tel mystère de saleté (c'est-à-dire qu'on ne parvient pas à faire la part de la saleté qui est en surface et de celle qui est incrustée dans les choses, et à ce titre tout est sale à peine sorti de l'évier) que quand bien même je me déciderais à y faire la cuisine, je ne saurais pas par où commencer. Je suis donc sortie de ce magasin bio (il faudra d'ailleurs m'expliquer pourquoi un magasin bio vous sert vos produit dans une poche en craft elle-même dans une poche en plastique…), et bien sûr un bien-être culinaire n'arrivant jamais seul, à la porte d'à côté se trouvait un petit restaurant sympathique où m'attendait une part de pizza aux brocoli, tomates et poivrons. Je mangeais sagement ma part de pizza, et sur la chaise à côté de moi, mangeant aussi une part de pizza, se trouvait une perruche de la taille de mon bras. Oui, moi aussi j'ai eu ce petit instant d'incompréhension. La propriétaire lui découpait des part de pizzas plus à sa taille (il se trouve que la grande et jolie perruche avait les mêmes goûts que moi en terme de pizza, ce dont je n'étais pas peu fière). Bon je ne peux pas dire par contre que les quelques clients, vraiment peu nombreux, et les serveurs aient été totalement froid à ce spectacle. Mais le grand oiseau s'en moquait comme de sa dernière ponte, il se tenait d'une serre sur le dossier de la chaise, et de l'autre portait son morceau de pizza, que son bec venait grignoter très régulièrement. L'oiseau ayant fini son repas avant moi, il est reparti sur Broadway avenue sur l'épaule de sa maîtresse sans un regard en arrière, me laissant avec un sentiment latent d'absurdité : New York est un très gros jouet.
Dans le métro, 4 asiatiques (je parie intérieurement sur des coréennes, mais c'est un fait je ne suis pas douée à ce jeu là) discutaient rapidement, et bien sûr en américain, de leur taille. Elles m'arrivaient presque au menton, et pourtant je suis déjà en format miniature. Elles disaient que leurs mères et a fortiori leurs grands-mères étaient encore plus petites, que chaque génération grandissait un peu. L'une d'elles, peu bavarde jusque là, lança “mais l'une de mes grands-mères faisait 1m75” et l'une de ses trois camarades de répondre “oui mais elle est blanche”. J'avais envie de leur dire qu'elles étaient rigolotes et que je venais de voir un perroquet de leur taille. Mais ça aurait paru méchant.
Alors je suis rentrée chez moi et j'ai mangé un minuscule morceau de brownie. Maintenant que je sais que je peux manger, je pourrai aller à ma première journée de cours le ventre en paix : R.I.P., Perroquet.



dimanche 5 septembre 2010

4 et 5 septembre 2010 - New York vol.4

Hier, je me suis retrouvée sur la 72ème rue à regarder un groupe de jazz jouer en plein air. Contrebasse, guitare, batterie, trompette, j'avais l'impression d'être dans le New York que j'avais imaginé : de hauts buildings et plein de gens avec au milieu un groupe de blacks jouant du jazz. Et puis le trompettiste jouait de deux trompettes à la fois, chacune dans une main, et outre le côté spectaculaire, c'était très beau à entendre. J'ai toujours aimé la laideur travaillée des trompettistes quand ils soufflent dans leur instrument. Ils y envoient de l'air, mais aussi tout ce qui va avec : leurs lèvres, leur sang, leurs yeux. Leur souffle pousse tout leur visage avec la même force, et parfois j'ai un peu peur de voir cette tête se fendre et laisser passer tout ce qu'il y a à l'intérieur. Mais non, tout ce qu'il y a à l'intérieur va dans la trompette. Tout. Jusqu'au plus profond. Et pour le coup il ajoutait à cette forme d'intensité et de laideur celle de ses deux trompettes, qui lui donnaient l'air d'un cerbère. Et de tout cela, de cet amalgame de choses improbables, s'élevait… le jazz. A prononcer en faisant s'envoler les consonnes. Je les ai finalement abandonnés pour aller au cinéma, où la bande sonore était agrémentée des bruitages facétieux des pop-corns et des sodas. Sans parler des sonneries de portable. Comme il n'y avait de toute façon rien à voir dans ce film, je me permettais de temps à autre de jeter des coups d'œil impressionnés au récipient, que dis-je, au puits de pop-corn que mes voisins de gauche sont parvenus à terminer en un seul film (je pensais pourtant qu'une année n'y suffirait pas).



Mais pour le coup je n'avais pas mangé de la soirée, et en me réveillant ce matin j'avais une faim d'américain. Dès le réveil, j'ai décidé d'aller prendre un brunch. J'étais toute seule dans le restaurant, et la serveuse s'ennuyant un peu tenait beaucoup à me faire la causette. Mon anglais au réveil étant ce qu'il est, j'ai bien dû passer la première demi-heure à me contenter de dire “yes” si l'intonation supposait une phrase rhétorique ou polie, et “no” si ça avait l'air de concerner quelque chose de payant. C'était délicieux, mais je maintiens qu'un ventre, n'importe lequel, n'est pas conçu pour soutenir deux tortillas aux haricots de la largeur de ma main, une salade de pomme de terre et du guacamole sur lit de tomates à 10h du matin. Mais miracle du doggy bag, j'ai pu ramener tout ça chez moi pour avoir demain un petit déjeuner aussi copieux que celui d'aujourd'hui. Comme j'étais à Union Square, je me suis décidée à voir l'Empire State Building. Et puis comme ce n'étais pas aussi beau que ce que j'avais imaginé vu d'en bas, j'ai décidé d'y monter. Chaque fois que je vais dans un lieu extrêmement touristique comme celui-ci, j'ai l'impression de ne plus savoir qui regarde qui : les touristes sont là pour regarder, mais c'est eux pourtant qu'on parque par groupe derrière des petites barrières, à qui on dit “c'est à droite”, puis “maintenant on rentre” puis “regardez par ici d'abord, ensuite par là”, puis “pour voir un étage plus haut c'est quinze dollars” ! Ils jouent à la poupée, et sincèrement le jeu semble plus drôle de leur côté que du mien… Je ne suis pas très à l'aise quand je ne sais pas de quel côté des grilles du zoo je suis. Mais ma foi la vue est haute. Je ne dirais pas que c'est splendide, parce qu'on y voit surtout les toits, et que les concepteurs de buildings ne conçoivent par leur toit comme étant une partie passionnante de l'esthétique d'un immeuble. Mais c'est amusant, parce qu'on reconnait les immeubles, les différents squares, l'irréel central park, l'eau tout autour de la ville qu'on a tendance à oublier le reste du temps… et comme je suis là pour m'amuser, ça tombe bien.
Puis comme j'étais à l'Empire State Building j'ai décidé d'aller à Times Square. Et voilà qu'après le grandiose et le poétique je découvrais le New York acidulé. C'est coloré, ça pétille, ça laisse une impression de faux et de rigolo. Des écrans partout, des publicités qui vous font passer pour des stars, un magasin rien que pour les casquettes, un autre où il n'est question que de M&M’s… un peu plus, et on pourrait y poser les gamins pour aller au musée. Et puis comme je m'amusais beaucoup parce qu'il y a quelque chose à regarder où qu'on se tourne, je me suis acheté une place pour un show de Broadway. Comme quelqu'un de mon école m'a dit que “Memphis” était le meilleur show qui passait en ce moment, j'ai pris une place pour mercredi, et je suis impatiente de voir Times Square de nuit.
Demain c'est le Labor Day, c'est-à-dire la journée du travail. Ce qui est amusant avec cette fête c'est qu'elle a été placée en septembre pour ne pas avoir la même date que la Fête du travail en URSS, et aussi que cette année la parade du Labor day, qui se fait normalement le samedi suivant le Labor Day, n'aura pas lieu car nous serons un 11 septembre… Personnellement je trouve les fêtes américaines très dépendantes de leurs carnages… Si le 11 septembre avait été trois mois et demi plus tard, peut-être même qu'ils auraient annulé noël ! Quoique… petit calcul interne… le père noël ayant été inventé lors d'un coup marketing par Coca Cola, aujourd'hui symbole de l'Amérique à succès, peut-être que cela aurait déclenché une riposte très virulente de la fête New-yorkaise. Je vois d'ici les titres des journaux : “25 décembre 2001 : la guerre des barbus”. Pardon, je m'égare.
Du coup après tout ça je suis rentrée dans le premier métro qui me passait sous les pieds. Un géant au crâne rasé m'a avoué timidement qu'il aimait bien ma chemise parce que sa maman en portait des pareilles quand il était petit. Et puis comme une seconde après une femme déguisée en grosse peluche de Minnie (on est à Times Square, ne l'oubliez pas) est entrée dans le métro, je pense que son petit cœur d'enfant était aux anges.
Je suis donc rentrée chez moi, une grand-mère de l'immeuble m'a encore une fois appelé “Babe”, et le fait que de vieilles dames noires m'appellent “bébé” en me racontant le beau temps qu'il y a eu dans la journée m'emplit toujours de joie.
Chaque minute à New York pourrait être un roman, et chaque personne un personnage.


vendredi 3 septembre 2010

3 septembre 2010 - New York vol.3

C'est une drôle d'idée, cette école. J'ai choisi mes cours, et me voici avec un week-end de… 5 jours. Je vais avoir le temps de m'intégrer à la vie New-yorkaise, je pense. Pour moi c'est parfait : peu de cours, mais ceux que je veux (décor de cinéma, adaptation de nouvelle, sujet et personnages, montage, introduction au travail d'acteur), et beaucoup de temps libre pour aller grappiller un peu de poésie et de sensations tout autour de cette belle ville. Peut-être même un moment pour aller au Canada, qui sait ?
Guide du routard en poche, toujours à la recherche de quelque chose qui puisse se manger, je pars sans but précis dans la ville. Chaque fois que je m'arrête, quelqu'un me demande si j'ai besoin d'aide. Même les grands-mères, de celles qui ont une tête à sortir leur bombe lacrymogène pour un pas de trop… mais pas ici. “Do you need help ?” “Do you need help ?” “Do you need help ?” “DO YOU NEED HELP ?”
Bon, c'est décidé, je ne m'arrête plus. Je marche, toujours tout droit, avec l'air décidé, l'air d'aller quelque part, l'air d'être une new-yorkaise qui aurait fait un régime. Je me retrouve à Wall Street, et c'est pas beau. C'est trop propre, trop conservé, trop conservateur, trop… désanimé. Je suis sauvée de la propreté ambiante par les travaux titanesques du World Trade Center. Ils y reconstruisent d'autres tours, plus hautes, plus belles. C'est quelque chose que les New Yorkais savent faire. J'aurais préféré qu'ils y laissent une dalle géante, voir un trou, une vide aussi fascinant qu'inquiétant qui aurait mieux illustré la plaie et la frayeur qu'a laissé cette journée dans les coeurs des new- yorkais. Mais un trou, c'est pas rentable. C'est pas positif. Et puis, bien sûr, c'est moins viril qu'une haute tour surmontée d'une flèche (eh oui !) pour prouver à “l'axe du mal” que l'Amérique, au moins, elle en a dans le pantalon.
Je me balade encore un peu, je discute en américain dans le métro avec une jeune fille à l'accent étranger… qui s'avère être française ; je dois retrouver mes amis pour aller au cinéma, ils ne viennent jamais au rendez-vous (ils se sont perdus dans New-york à la recherche d'un supermarché abordable). Il est 7:15pm (19h15), je suis à Harlem, la nuit va tomber, que faire ? Et là, une illumination : je rentre dans le métro, et je redescend tout New-York (ma foi, ça prend du temps) jusqu'à la pointe, j'entre dans le premier Ferry pour Staten Island et je profite la vue. Mission accomplie : me voici regardant le coucher de soleil sur New York et la statue de la Liberté. Après plusieurs jours à m'étonner de la grandeur de cette ville, de son aspect spectaculaire, pour la première fois j'en observe la poésie. Du Ferry, la Statue parait petite, de la taille de mon pouce j'ai vérifié, et les grands buildings éclairés ne sont que des centaines de petits points qu'un impressionniste cubiste aurait balancé sur une petite toile modeste. Et ce n'est qu'en retrouvant la petitesse de New York, dans le balancement paisible d'un gros bateau, que je remarque à quel point il y a du charme dans ces points de lumière, dans cette petite statue, dans ces bruits éloignés. Et ce charme ne me quitte pas même quand un second Ferry me ramène au cœur de la grande ville. Au cœur de la petite ville qui joue la grande.


mercredi 1 septembre 2010

1 septembre 2010 - New York vol. 2

Réveillée a 7:30am, soit une heure avant mon réveil, car en France il est 13h30, je remarque que la température n'a pas baissée, et elle ne baissera pas de toute la journée. J'utilise le reste de mon forfait pour appeler mon petit ami, et je pars tranquillement pour le Monkey Bar Lounge, le bar étudiant appartenant a ma future école. Trouvant sans trop de mal mon chemin, je prends un the glace immonde (décidément, la qualité des starbucks américains est inversement proportionnelle a leur nombre), et arrive tout de même au rendez-vous plus d'une heure a l'avance. J'y fais la connaissance de deux camarades israéliennes et une autre italienne, et assiste a une banale réunion administrative…
Et me voici dans les rues. Selon les instants, je me sens tassée puis élevée par ces bâtiments gigantesques. Inutile de préciser que même mille films new-yorkais ne nous préparent pas aux splendides dimensions de cette ville. J fais quelques achats, et puis sans trop réfléchir je décide de remonter la trentaine de rues qui me séparent de central park… La torture est telle, croyez-le ou non, qu'a peine arrivée je m'assois sur le premier coin d'herbe venu et décide de m'acheter des chaussures. Absolument nécessaire. Mes pieds sont dans un tel état que je m'en séparerais volontiers. Je ne verrai pas vraiment central park aujourd'hui. J'achète une boisson (il faudra que je pense a inventer une bénédiction pour Coca Cola) et je décide d'aller a Macy’s (en métro, voyons, en métro). On m'a dit que c'était grand. On m'a dit que c'était le plus grand magasin du monde. J'y entre, et au début j'ai cette petite pensée (oh, ce n'est que ca !) et… je n'aurais pas du l'avoir. Je remarque des chaussures sympathiques et je continue mon chemin. Remarquez que ces chaussures, je ne les retrouverai jamais. 10 étages, quelque chose comme 80 escalators : j'ai beau re-parcourir le magasin en long, en large et en travers, il y a toujours un nouveau passage vers de nouveaux rayons. Deux étages de la taille d'un quartier pour les chaussures de femme, ou lesdites donzelles reproduisent Bagdad. J'ai au moins compris que le sol est l'habitat naturel des chaussures, que les femmes refusent obstinément de reposer sur les étagères. J'y ai enfin trouve les chaussures les plus confortables du monde, il fallait au moins ca. Je les enfile dans le métro et je me pose dans un petit park ou de gros écureuils viennent a quelques centimètres de tous sans inquiétude, et sans d'ailleurs que les new-yorkais aient l'air de s'en réjouir le moins du monde. Moi, si.
Je n'ai rien avale de la journée si ce n'est des boissons fraiches. Il faut dire que si pour moi jusque la avoir faim était excitant, ici je le craindrais presque. Habituellement, je suis pourtant plutôt attirée par la malbouffe, mais ici pas un plat, pas une sauce qui ne m'ait donne la moindre envie. Les odeurs sont écœurantes, les couleurs suspectes.
La nuit tombe alors que j'écris ce texte. Je vais rentrer a Harlem, mais peut-être mettre un t-shirt pour couvrir ce corset sans bretelles… sait-on jamais.
Aujourd'hui j'ai bien du parler a une vingtaine de new-yorkais, commerçants de toutes sortes, chacun d'eux chaleureux, amusant, sincèrement ravi d’être d'une aide appréciable. Je confirme aujourd'hui ce que m'avait dit hier un des jeunes a casquette a l'entrée de mon immeuble : “People here are friendly. Some are mean. But most of them are friendly.”


3 août 2023 : Summer Camp au Mont Dore

Aujourd'hui j'ai vu le vent danser. La littérature ne s'en lasse pas : les feuilles qui dansent sur les arbres, les fichus sur l...