Porto l'été, c'est presque l'Italie telle que s'en souviennent les émigrés et les nostalgiques. C'est la Sicile des séries sans le sous. On y rêve de mafia en sandales, et bien sûr on se trompe.
Mais pour y voir cette contrée rêvée, ce mythe de classe aisée qui veut que la plus grande des richesses soit dans la pauvreté, il faut choisir son regard le plus large. Dans Porto il ne faut pas se concentrer, il ne faut pas de précision : il faut englober la somme de tout d'un seul regard ; c'est là que la magie opère. Les azulejos cassés qui colorent les maisons, les bouts de bétons où fleurissent les tags, les chats errants qui miaulent à toute heure, les vols incessants des mouettes, les terrasses des restaurants trop étroits pour même une seule famille, les ruelles irrégulières s'ouvrant sur des églises grises et bleues, le tramway au milieu des voitures, les bouts de nature disséminés sur des lopins de terre aux formes inconstantes... Rien ou presque n'y est beau en soi si l'on ne prend pas soin d'y ajouter le reste.
C'est une ville qui demande de tout accepter ou bien de n'y rien prendre, et qui tient sur l'équilibre fragile de ses drôles de façades et de ses bouts de linge, des morceaux de choses sens dessus dessous que seul le soleil, au-dessus, plonge dans une lumière ambrée, une lumière de sève qui vient coller ensemble cette faïence dépareillée. Les ponts alors recousent ces bouts de ville les uns aux autres de leurs fils de métal. La ligne de tramway agrafe ce qu'il reste. Et quand enfin ce patchwork qui prétend être ville est regardé comme il le faut, d'un oeil englobant, le raccommodage se révèle broderie et l'on découvre enfin ce qu'on était venu chercher et qu'on ne pourra jamais ramener sur nos photos à la vue trop étroite : la beauté formidable de Porto.
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