mardi 9 janvier 2018

INDE, Varkala - 9 janvier 2018

En trois petits bonds bien calculés, nous avons traversé toute l'Inde d'est en ouest, quittant la région de Tamil Nadu pour celle du Kerala.

Pour ce faire, il nous a fallu prendre le bus de Pondichéry à Chennai, l'avion de Chennai à Thiruvananthapuram (oui, il a fallu que je vérifie l'orthographe avant d'écrire ce dernier mot) et enfin le train de Trivandrum (le diminutif, les colons sont de petits malins) à Varkala.

Ce furent d'abord 5h de bus bondé sur la banquette droite (nous étions trop heureux déjà d'avoir une banquette), tandis que régulièrement le véhicule s'arrêtait pour laisser monter des marchands de fruits, de légumes et de cacahuètes qui vendaient leurs produits à la volée ou au travers des grandes fenêtres ouvertes. Le bus était aussi animé que le reste de l'Inde, et s'y reposer n'était pas mince affaire. Pour commencer, le klaxon sert à tout pour les automobilistes indiens : faute de voyants en état de marche et de code de la route proprement défini, il sert à toute communication entre conducteurs, qui klaxonnent pour indiquer qu'ils ralentissent, qu'ils accélèrent, qu'ils tournent, qu'ils doublent, qu'ils se font doubler, ou simplement qu'ils arrivent. Il faut ajouter à cela que le signal de marche arrière du bus a été judicieusement remplacé par un as du sifflet placé à l'arrière de l'autocar, qui dégaine son arme au moindre frémissement. Le bus est un morceau d'Inde en déplacement.

Le métro, vide et cher, vide parce que cher, aura servi de sas entre ce monde parfaitement indien et celui, calme et sans attache, de l'avion que nous avons emprunté, faisant au passage la connaissance d'un jeune étudiant de musique du nom de Ramesh. Quelques heures plus tôt les indiens que je croisais tentaient de simplement me toucher, me prendre en photo ou échanger quelques mots avec moi. Mais Ramesh, dragueur, charmant, n'avait pas pour nous cette déférence étrange que nous avions rencontrée jusque là. À quelques kilomètres au dessus du sol, l'Orient se mêle à l'Occident et lui ressemble.

Quittant là notre camarade musicien, nous avons ensuite pris le train, préférant aux rames bondées celles, plus aérées, réservées aux femmes. Si cette ségrégation sous prétexte de protection ne me met pas, en soi, particulièrement à l'aise, ce dernier trajet aura révélé une camaraderie, une proximité et une légèreté que je n'avais pas trouvé jusqu'ici dans mes échanges. Certaines des femmes s'allongeaient sur les bancs ou, au-dessus, sur les porte-bagages, pendant que les autres échangeaient avec nous des regards ou quelques mots. Les vieilles dames regardent toujours d'un oeil mauvais mon appareil photo, qu'elles détestent, quand j'ose le sortir. Je rangeai rapidement l'appareil mal-aimé, mais à regret : tous âges se mêlaient sur les banquettes inconfortables et devant les portes grandes ouvertes du vieux train. Quoique toujours à part, toujours regardées et traitées comme des choses fragiles et précieuses, nous avons trouvé là le début d'une communauté : nous sommes peut-être différentes en tout, mais nous sommes des femmes et l'opinion générale, quoique implicite, est qu'il doit bien y avoir dans ces chromosomes XX une langue commune que nous pourrions parler avec les yeux.

Se déplacer, c'est déjà parler ; faire un pas vers l'autre, c'est lui dire un mot, et si je n'ai pas ouvert souvent la bouche aujourd'hui, elle est sèche de tous les pas que j'ai fait.

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